
(Auteur P199)
En cette période de vacances, nous serons nombreux à nous rendre vers ces deux contrées qui, même si l’une d’entre elles existe bel et bien, représentent tout un imaginaire de lointain, d’éloignement, de solitude et d’isolement…
Ces représentations font rêver de nos jours et constituent des attraits positifs et prisés, comme il se fait de plus en plus difficile de s’éloigner de la « civilisation »… Si celle-ci gagne chaque année un peu plus de terrain sur la ruralité et la vie sauvage, il n’en demeure pas moins essentiel pour les humains de se reconnecter à la nature et heureusement, les vacances sont là pour ça pour beaucoup d’entre nous. D’ailleurs, l’origine de mot « vacances » vient de « terre non-cultivées », je dis ça juste comme ça…
Mais revenons à nos moutons! Il faut préciser que ces expressions ont étés adoptées avant la démocratisation de nos intérêts biens urbains (certains diront même boho-chic ou bobo) d’éloignement et qu’elles étaient utilisés principalement de manière péjorative, évoquant plutôt le cul-de-sac…
Tout d’abord, voici l’étymologie de « Perpète-lès-Oies » tel que donné par Wiktionnaire:
« De perpète qui indique un endroit lointain et oie qui indique un aspect rural comme dans Trifouillis-les-Oies. »
« Nom de lieu imaginaire, employé pour signifier qu’une personne habite dans un lieu isolé, difficile d’accès, un bled, un trou perdu.
Ex: Il vit à Perpète-lès-Oies. »
A la lecture de cet article de Wiktionnaire, on se rend vite compte qu’il y a beaucoup d’autres expressions de ce genre que les français ont inventés afin de ne pas froisser directement leurs concitoyens (bien qu’ils utiliseront « Tombouctou » de la même manière…).
Voici mes préférées:
- Perpète-la-Galette (pour les sons)
- Pétaouchnok (créée dans le but d’imiter un nom de ville russe!)
- Tataouine-les-Bains (Tataouine était près d’un bagne militaire français en Tunisie, « les-Bains » est un suffixe courant dans les campagnes françaises)
- et bien sûr « Trou du cul du monde« , un classique.
Au Québec – qui aime bien châtie bien –, nous utilisons souvent une ville bien de chez nous pour signifier la même chose et, chanceuse, c’est Chibougamau qui a écopé! Je me demande bien quel est le ressenti des gens de cette ville à ce sujet…
« Oublie ça, on va pas là, c’est à Chibougamau! »
Plus politiquement correct, nous avons aussi inventé des noms de villes imaginaires de la même manière que les Français:
- Saint-Clinclin-des-Meumeu
- Saint-Meumeu-des-Creux
- et nous dirons plutôt « Trou de cul du monde »
Comme les Français, nous n’avons pas eu à aller bien loin pour inspirer ces noms farfelus, notre toponomie réelle en répertoriant déjà son lot.
Il me faut mentionner au passage cette pépite québécoise: le village Saint-Louis-du-Ha ! Ha ! tout près de Rivière-du-Loup, peut-être le seul nom de ville au monde comportant des points d’exclamation. Village bien réel fondé en 1874 au Québec, il se dénommerait ainsi pour cette raison:
Selon la Commission de toponymie du Québec, un haha est un archaïsme de la langue française qui désigne un cul-de-sac ou un obstacle inattendu. (Extrait de l’excellent jeux-questionnaire « Ces villages aux noms insolites » de Pierre Duchesneau dans L’actualité)
Et nous restons dans le thème en venant vers la notion de cul-de-sac…!
Autre question sur ce nom de village : aurait-il inspiré le nom de la série d’émissions d’humour québécoises très populaires des années 80: « Les Lundis des ha! ha! »?
Ahh pour le plaisir uniquement, voici une introduction générique de ces émissions excellentes, animées par le duo d’humoristes québécois Ding et Dong:
Sont-ce des régionalismes du Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais chez nous on dira:
Saint-Éloigné-des-Meus-Meus;
Saint-Éloigné-des-Plaines (il y a un Saint-Edmond-des-Plaines, pis c’est loin!);
Saint-André-de-L’Épouvante (nom réel);
Une cousine disait que c’était à Pétawawa (lieu d’une base militaire en Ontario) ou à Wabush (ville minière au Labrador).
Et comment oublier les fameuses Iles Mouk Mouk (déformation du nom indien Mok Mok)???
Wow extra! Merci Jean-François pour ces ajouts très intéressants.
Je connais bien pour ma part ceux-ci :
– Petawawa
– Iles Mouk Mouk
Savoureux.
J’en profite en ajouter une autre que j’ai entendu en France :
– Palavas-les-Flots
Il s’agit d’une vraie ville, mais elle est quand même utilisée pour dire « lointain ».
Français, vous confirmez? 😉
« Les flots » derrière Palavas, c’est comme « les cloches » dans Corneville-les-cloches (bled de Normandie qui avait eu le bonheur de servir de cadre à une opérette du XIXème siècle « Les Cloches de Corneville »). On a ajouté les flots et les cloches pour attirer le touriste. A mon sens, Palavas-les-flots n’est pas si loin que ça dans le langage. C’est simplement un tas de béton au bord de la mer, au nom ridicule et à l’atmosphère oppressante.
Olivier Foucher
Dans Perpète-les-Oies, il y a bien sûr les oies, dont le caractère irascible et défensif peut faire hésiter le visiteur, mais il y a aussi perpète, issu du vocabulaire des prisons pour « perpétuité » qui laisse dubitatif quant à la possibilité d’en revenir. Est-ce l’endroit rêvé pour passer un temps de liberté ?
Une traduction plus souriante pourrait suggérer « à jamais parmi les volailles » (genre Marie-Antoinette batifolant dans une basse cour de rêve).
Pourtant il me semble que « perpète les oies » est plutôt une forme d’expression de l’horreur qu’éprouve le citadin piétinant une crotte sur son trottoir, à la pensée d’avoir à faire ça toute la vie…
Olivier Foucher
LinkedIn (« Chansons Brutes »)
Merci pour ces commentaires très intéressants, Olivier. Vous nous donnez des notions historiques précieuses, aussi bien pour « les-Flots » et que pour « les-Oies »!
J’avais oublié de parler de « Perpète » et son sens dans le langage populaire, merci de le faire pour moi ici.
Au plaisir de vous lire!